La
cure de reflux gastro-œsophagien selon la
technique de Nissen par voie cœlioscopique
est encore actuellement en cours d'évaluation
en raison d'une part du manque de recul pour
juger de la qualité du résultat à long
terme, d'autre part du risque de complications
de gravité encore difficile à apprécier. Au
cours de notre expérience, nous avons été
confronté à un incident assez rare, mais
d'évolution favorable et traité par cœlioscopie.
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Patients
Monsieur GAL...,
25 ans souffre depuis plusieurs années d'un reflux
gastro-œsophagien confirmé par plusieurs
endoscopies et Ph métries. Le traitement médical
bien conduit a permis la régression de l'œsophagite,
mais après arrêt du traitement il y a toujours
récidive. On décide donc de proposer une
opération de Nissen par voie cœlioscopique,
d'autant qu'il s'agit d'un sujet jeune et mince.
Intervention
initiale
L'intervention est
réalisée sans problème, avec suture au fil non
résorbable des piliers diaphragmatiques en arrière
du cardia. La grande courbure étant souple, on
réalise un Nissen Rossetti. Il faut noter que la
valve est réalisée sur un tube de Faucher pour
calibrer. Aucun drainage abdominal n'est mis en
place, pas de sonde naso- gastrique. Des le
lendemain de l'intervention
le patient est très gêné par une dysphagie
presque absolue qui ne cède pas aux
antispasmodiques. On pratique donc une fibroscopie
afin de contrôler la perméabilité du bas
œsophage: le tube passe facilement dans l'estomac,
aucune anomalie n'est notée. Le traitement
antispasmodique est alors majoré, en associant un
accélérateur du transit. Le lendemain la
symptomatologie est identique, avec dysphagie
absolue, même pour les liquides. Un transit à la
Gastrographine est alors demandé: il montre la
présence de la valve gastrique dans le médiastin,
avec un très faible passage gastrique (cliché
n°1). La décision de réintervention est prise.
cliché N°1
cliché N°2 |
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Réintervention
L'abord
cœlioscopique est tenté avec une grande prudence.. Il
permet de visualiser la cause de la migration de la valve:
le diaphragme est déchiré en avant de l'œsophage.
Une
traction douce sur l'estomac assure la réintégration dans
l'abdomen. Le diaphragme est suturé par deux points de
Mersuture noués en extra-corporel, l'ensemble paraissant
solide en fm d'intervention.
Les
suites opératoires sont simples, avec reprise des boissons
à la 48ème heure et contrôle radiologique satisfaisant
(cliché n°2). La durée de l'hospitalisation a été de 7
jours. Le patient a été revu une semaine plus tard:
l'alimentation se faisait presque normalement avec une
dysphagie légère qui disparaîtra en un mois. 18 mois
après l'intervention le résultat fonctionnel était
satisfaisant sans dysphagie résiduelle.
Cette
observation appelle plusieurs commentaires:
Quel
mécanisme peut-on invoquer pour expliquer la migration du
système antireflux dans le thorax?
Le
rapprochement des piliers diaphragmatiques avait été
réalisé grâce à un point de fil non résorbable et la
valve postérieure fixée au pilier droit par un point du
même fil. Il pouvait donc s'agir d'une défaillance de ces
nœuds, d'une insuffisance de rapprochement des piliers du
diaphragme ou d'une déchirure du diaphragme. La seconde cœlioscopie
a montré qu'il s'agissait de la troisième hypothèse, car
le point sur les piliers n'avait pas bougé.
Comment
le diaphragme a-t-il pu se déchirer?
La
cause en est probablement une importante hyper pression
intra- abdominale postopératoire, soit en raison de
vomissements, soit lors d'efforts de toux sur la sonde
d'intubation en salle de réveil. Il faut noter par ailleurs
qu'il n'existait pas de brachy-œsophage.
Pourquoi
la fibroscopie n ‘a-t-elle pas permis de faire le
diagnostic de cette
complication ?
Il
est probable que la progression du fibroscope a
provoqué une réduction partielle ou totale de la valve
dans l’abdomen. Au retrait de l’appareil, le montage
étant complètement mobile et le diaphragme béant, la
luxation intra thoracique s’est reproduite aussitôt. La
fibroscopie a eu cependant l’avantage de montrer que le
serrage de la valve n’était pas le cause de la dysphagie
Était-il
licite de tenter une cœlioscopie devant ce type de
complication?
Le patient était
jeune, en excellent état général, il n'y avait que peu de
retentissement général de cet incident, en dehors des
vomissements lors des tentatives d'alimentation. Les
douleurs thoraciques étaient modérées, il n'y avait pas
de retentissement cardiaque. La reprise cœlioscopique fut
de courte durée, parfaitement tolérée, la suture du
diaphragme n'a posé aucun problème technique. Les suites
opératoires furent parfaitement simples, aucun emphysème
cervical n'a été constaté.
Discussion
Ce type de
complication est peu fréquent, notamment au cours de la
période postopératoire immédiate. La migration
intrathoracique du système antireflux se fait plutôt à
bas bruit, à distance de l'intervention et fréquemment
sans symptomatologie importante. C'est parfois une
découverte fortuite devant une récidive du reflux gastro-œsophagien
ou l'apparition secondaire d'une dysphagie. La cause en est
très souvent une insuffisance de fermeture des piliers
diaphragmatiques et l'association à un brachy-œsophage. fi
est également nécessaire que l'estomac soit très mobile,
et/ou libéré de ses attaches abdominales par la dissection
opératoire. Dans le cas présent, il n'y avait pas eu de
section des vaisseaux courts ni de décollement important de
la face postérieure de l'estomac, la valve postérieure
étant réalisée à partir de la face antérieure de la
grosse tubérosité. En revanche il existait une hernie par
glissement, donc un mobilité anormale de l'estomac.
Que
peut-on proposer pour éviter un tel incident?
1)Lorsqu'il
existe une hernie par glissement, les éléments assurant la
fixation abdominale
de l'estomac sont déficients. Il faut donc
limiter au minimum la dissection de la région sans
sectionner les vaisseaux courts et réaliser un
Nissen-Rossetti. Les piliers du diaphragme doivent être
rapprochés en arrière de l'œsophage, et la dissection
de la face antérieure de l'œsophage doit être faite à
distance de l'hiatius afin de ne pas le fragiliser. Enfm il
est peut-être nécessaire de fixer de façon plus
importante la valve au pilier droit.
2) La présence
d'une sonde naso-gastrique en
postopératoire immédiat peut elle éviter les
vomissements? Elle
n'est peut-être pas inutile dans les 12 premières heures, si
l'on considère que ce sont eux qui favorisent
l'incident.
3) La qualité du
réveil anesthésique est certainement un élément
important afin d'éviter la toux sur la sonde: d'intubation
et les efforts de vomissement qui sont à l'origine
d'hyperpression intra- abdominale.
La reprise
chirurgicale- doit-elle être
cœlioscopique ou à ventre ouvert?
Les
échecs ou complications: des
interventions cœlioscopiques sont actuellement très souvent traités par
laparotomie par
crainte de ne pouvoir réparer les lésions en toute
sécurité. En ce qui concerne le reflux gastro-œsophagien,
de nombreuses communications ont été faites à propos des
reprises cœlioscopiques pour des récidives ou des hyper-corrections.
Il faut
cependant reconnaître que les difficultés techniques le
sont pas toujours clairement exprimées et que l'on connaît
encore mal les suites à long terme.
Néanmoins il ne
semble pas irraisonnable de tenter dans un premier temps une
cœlioscopie, même par la technique
'open" pour
faire un bilan de la situation et tenter, si cela , paraît
facile, un traitement sous laparoscopie Il est
certain qu'à la moindre difficulté, cette voie doit être
abandonnée pour la laparotomie
Conclusion
La dysphagie
transitoire n'est pas rare après les interventions pour
reflux gastro-œsophagien. Cependant elle est habituellement
modérée et ne doit pas entraver une reprise de
l'alimentation. Devant une dysphagie intense,
voire absolue, il
faut immédiatement faire pratiquer un transit à la
Gastrographine plutôt qu'une fibroscopie. En
effet,
plus physiologique et toujours bien toléré cet examen
permet de dépister rapidement les diverses complications liées
à ce type d'intervention. Même en cas de perforation
oesophagienne, il n'y a pas de risque en rapport avec la
fuite lu produit -hydrosoluble. La migration intra
thoracique de la valve ainsi diagnostiquée peut
bénéficier dans le meilleur délai du traitement
correcteur nécessaire.
RESUME
Parmi
les complications de la cure de reflux gastro-œsophagien
par cœlioscopie, la migration intrathoracique de la
valve avec le fundus est un phénomène rare. Le cas
rapporté a pu être diagnostiqué grâce au transit
aux hydrosolubles pratiqué devant un tableau de
dysphagie totale postopératoire immédiate. Les
mécanismes possibles sont évoqués et discutés
ainsi que les possibilités de prévention de tels
incidents. La méthode de réparation cœlioscopique
ou par laparotomie est également discutée.
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